Extrait: ...nous passames sous le vent de Saint-Pierre. Vers minuit, toujours favorises par une belle et fraiche brise d'Est-Sud-Est, nous nous trouvames par le travers de la ville du Roseau de la Dominique. Un brick louvoyait comme nous, mais pour gagner le mouillage. En courant a contrebord a lui, nous crumes nous apercevoir que c'etait un batiment marchand. Le capitaine Doublon nous cria: Tape a bord; et nous l'abordames, sans plus de facon. Il nous avais pris pour un caboteur de Sainte-Lucie ou d'Antigues. Aussitot qu'il fut amarine, nous laissames arriver, colles le long de son bord, et l'entrainant au large, comme un epervier qui, apres avoir saisi sa proie, se laisse aller avec le vent, tout en devorant le faible ennemi qu'il enserre dans ses griffes. Si les corsaires deployaient dans toutes les circonstances une activite egale a celle qu'ils ont pour le pillage, ce seraient des marins prodigieux. En moins de cinq minutes, nous eumes, pour ainsi dire, visite notre prise de la carlingue a la girouette. Le fond de la cargaison, qui n'etait pas complete, se composait de barils de farine et de salaison. Quelques caisses legeres et conditionnees avec soin furent mises a bord du Requin. On expedia ensuite le navire amarine et equipe de dix de nos hommes, pour Saint-Pierre. Nous apprimes depuis qu'il avait ete repris par des croiseurs au large des Saintes. Une fois delivres des soins qu'il nous avait fallu donner a l'expedition du brick, il nous prit envie d'ouvrir les caisses que vous venions d'extraire de la cale de notre capture. Dans l'une nous trouvames des robes, des chales; dans l'autre des chapeaux de femme et des bonnets montes; dans la troisieme des ombrelles, et dans toutes, enfin, des objets de mode. Notre desappointement fut grand; mais notre parti fut bientot pris, et tous nous nous egayames a l'idee d'avoir pour parts de prises des chiffons, au moyen desquels nous pourrions bientot faire des...