Extrait: ...Je baiserai ses mains, qui m'ont ecrit de si douces choses; je baiserai ses jeux, qui m'ont tant de fois regarde a travers les espaces complaisants. Elade, je vous verrai donc, -je verrai donc vos mains, vos mains Il s'exaltait, mais pas tant qu'il ne pensat au droit chemin et, comme il sondait l'horizon avec une certaine anxiete, il apercut, encore assez loin devant lui, un arbre tout seul. Le sentier s'effacait de plus en plus; il mit le cheval dans la direction de l'arbre. L'arbre portait, ecrits sur une planchette, ces mots consolateurs, mais illusoires, car il n'y avait aucun chemin visible: Chemin du Chateau Singulier. Vitalis eut un moment d'angoisse; mais en cherchant a s'orienter, il apercut encore un arbre, tout seul, au lointain. Il mit le cheval dans la direction de l'arbre. L'arbre portait la meme inscription: Chemin du Chateau Singulier. Vitalis interrogea une troisieme fois l'horizon: un troisieme arbre apparut. Longtemps, longtemps, Vitalis alla d'arbre en arbre, a travers l'ocean changeant de la prairie indefinie. Quand il avait passe le pont de planches, le soleil se levait et souriait; maintenant, il se couchait et pleurait des larmes de sang. La nuit s'epandit; le brouillard, comme une houle invincible, inonda la prairie indefinie, -et Vitalis, perdu dans les tenebres, s'endormit et reva. Il murmurait a mi-voix, tout en revant: Elade, je vous baise les mains, -je baise vos mains blanches, -je baise vos doigts purs, je porte vos doigts a mes levres, -je penche mes levres vers vos adorables mains, vos mains, vos mains... CHAPITRE II Quand Vitalis s'eveilla de son sommeil et de son reve, le brouillard s'etait transmue en lumiere et le Chateau Singulier, palais et prison de la princesse Elade, barrait de ses lourds et sombres granits l'horizon de la prairie indefinie. Nulles murailles, nulles grilles, nulles barrieres n'en defendaient les approches, mais de larges douves l'encerclaie