Extrait: ... voie propre, doit s'accommoder au gout du jour et meme il doit chercher a depasser ses predecesseurs en cruautes et en horreurs. Dans cette chasse des moyens exterieurs, toute etude profonde, tout developpement intime regulier du talent et de l'homme est oublie. C'est la le plus grand malheur qui puisse arriver au talent, mais cependant la litterature dans son ensemble gagnera a ce mouvement636. 2 LE VAMPIRISME DANS LA GUZLA Avec la Guzla, qui contient un assez grand nombre d'histoires terrifiantes, Merimee, lui aussi et a sa maniere, avait pris cette direction ultra-romantique dont parle Goethe. En 1819 et 1820, il s'etait mis a etudier la magie637; il lisait alors le Monde enchante du fameux docteur Balthazar Bekker, le Traite sur les apparitions du pere Calmet, la Magie naturelle de Jean-Baptiste Porta638, ouvrages dont il se servira en composant la Guzla et dont il se souviendra au chapitre XII de la Chronique de Charles IX. Il faisait, en effet, de l'ultra-romantisme avec ses ballades sur les vampires et les jeteurs de sort, qui tiennent une place considerable dans son recueil de poesies illyriques. Mais il serait injuste de pretendre que Merimee a introduit dans la Guzla ce monde merveilleux uniquement pour faire de l'ultra-romantisme. Le surnaturel se retrouve frequemment dans la veritable poesie populaire et Merimee dut s'en souvenir lorsqu'il se mit a confectionner ses contrefacons du folklore. De plus, il crut donner ainsi plus de couleur a ses ballades illyriques. En effet, le vampirisme est une superstition particulierement remarquee chez les peuples de l'Adriatique et des Balkans. Chez son guide Fortis, il avait trouve une page qui suffit a le decider: Les Morlaques croient avec tant d'obstination aux sorciers, aux esprits, aux spectres, aux enchantements, aux sortileges, comme s'ils etaient convaincus de l'existence de ces etres par mille experiences...